Le supplice

Jacques BONNET dans le manuscrit de l'ORTE décrit l'arrestation de Thomas MARCHÉ

"... le président MARSAULT lui fit bien comprendre qu'il en avait à lui plus qu'à un autre : il fut lui-même le saisir au collet au milieu de l'assemblée, et lui tint ce langage : ah ! je te tiens, mon grand pilier d'église et je te promets que je te mettrai sur le carreau ! A cela le dit MARCHÉ répondit : Vous êtes les maîtres de mon corps, mais vous n'êtes pas maître de mon âme, elle appartient à Dieu, il en disposera comme Il lui plaira. On sépara particulièrement ces trois là de la foule (Thomas MARCHÉ, Thomas GUÉRIN et Pierre ROUSSEAU) et on les mena dans les prisons royales de St Maixent.

Jean RIVIERRE dans "Le drame de Grand-Ry" décrit le supplice :

"Il y eut au fond deux jugements, l'un sommaire, expéditif, que l'intendant fit dès le lendemain, sans respecter aucune règle juridique, comme à des rebelles et des criminels de lèse-majesté : MARCHÉ, GUÉRIN et ROUSSEAU seraient pendus le soir même ..."

"La bataille se transporta à St Maixent. On signifia leur peine dans la prison aux trois condamnés à mort. Ils devaient mourir consécutivement et en présence les uns des autres, avec cette pensée que la vue du premier supplicié et les adjurations suprêmes des prêtres parviendraient peut-être à ébranler les deux derniers, qui sait, à leur arracher une abjuration libératrice ... On leur fit faire, devant le grand portail de l'abbaye, on ne sait quelle parodie d'amende honorable à Dieu et au Très Saint Sacrement. Il était tard déjà. Les potences étaient préparées en haut de la ville, aux grands cimetières, au bord même de la route royale de Niort, et il fallut allumer les flambeaux avant d'en finir. Mais écoutons ici le récit de Hollande, fondé sur les témoins huguenots qui, comme toujours en pareil cas se glissaient jusqu'au lieu du supplice et recueillaient pieusement les derniers mots des martyrs. Lorsque ROUSSEAU fut à la potence, il parut un peu épouvanté, et il semblait prêter trop d'attention aux promesses que lui faisaient ceux qui les admonestaient. Quoi ? lui dit MARCHÉ en le regardant d'un visage gai et assuré, quoi ? mon frère, vous tremblez à l'approche de la mort ? Ne savez-vous pas que nous mourons pour la querelle de Celui qui a souffert la mort et passion pour nous ? Refuserions-nous notre sang pour signer l'Évangile ? Cette douleur ne sera pas longue, une heure la verra finir ... Cette échelle qui vous épouvante, est la même qui nous conduit au Ciel. Alors ROUSSEAU mourut avec courage et fermeté. Puis GUÉRIN, avec une constance admirable, repoussant toutes les promesses de vie sauve, s'il consentait à abjurer. Vint le tour de MARCHÉ, ...  Quand il fut dans l'échelle, celui qui l'admonestait voulut forciblement lui faire baiser une croix qu'il lui présentait ; il voulut abuser de l'impuissance de ses mains qui étaient liées. Mais il lui dit d'une voix résolue : Va arrière de moi, Satan, car si tu me forces davantage, je te lancerai un coup de pied dans le ventre ! Laisse-moi mourir en repos ! Ne viens point troubler l'entretien que j'ai avec mon Dieu ! Ainsi moururent, dans ce St Maixent où il devait encore y en avoir bien d'autres, ces martyrs de la foi. On suspendit leurs corps à des gibets le long du chemin. Les choses avaient été si vite que personne n'avait pu intervenir. Les magistrats du siège, qui n'aimaient pas la justice expéditive de l'intendant, avaient seulement manifesté leur désapprobation, pour la plupart, par leur absence lors du supplice."

Théodore de BERINGHEN, protestant irréductible, transféré de la prison de Loches à La Rochelle pour y être expulsé de France décrit son passage à St Maixent : "Le jour suivant, sortant de St Maixent, où nous avions couché, nous eûmes le triste spectacle de voir trois de nos frères qu'on avait pendus la veille sur le bord du grand chemin, pour s'être trouvés dans une de ces assemblées chrétiennes qui se font plus fréquemment en Poitou qu'ailleurs. Nos carrosses passèrent presque dessous leurs potences."

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