La veille, et le matin de l'Assemblée

"Voilà comment la chose se passa : il y avait ce soir là, une petite assemblée dans son village. Après qu'il eut soupé, il se prépara pour y aller. Comme il y avait deux portes à sa maison, une qui sortait sur la rue, et l'autre qui sortait par derrière, dont on passait par une cave pour y aller. Sa femme lui conseilla de sortir par cette cave, à cause qu'il ne serait pas si tôt vu. A peine était-il sorti de la cave que des sergents frappèrent à la porte de la rue. Sa femme, ne pensant à moins rien qu'à cela, leur ouvrit la porte. Ils fouillèrent partout, mais ils ne le trouvèrent point ; ainsi ils s'en allèrent. ... Le dit MARCHÉ fut bien surpris lorsque sa femme lui dit qu'on était venu le chercher. Cette femme, voyant qu'on en avait tant à lui, et qu'on était ainsi venu le chercher la veille de l'assemblée, fit tout ce qu'elle put pour le dépersuader d'aller à Grand-Ry. Après plusieurs résistances, elle fit tant par ses larmes et par ses prières, jointes aux larmes et aux prières de ses enfants, qu'elle le détourna du désir qu'il avait d'y aller.

Il était dans ce sentiment le lendemain matin, qui était le dimanche de la dite assemblée, lorsque trois ou quatre de ses amis, dont le dit GUÉRIN en était un, le vinrent trouver et lui demandèrent s'il était prêt, et s'il voulait venir. Il fit réponse qu'il croyait qu'il serait bien plus à propos de n'y aller point, puisqu'il était infaillible que l'intendant avec les dragons y allait venir, et qu'il ne manquerait pas d'y arriver de grands désordres ....Quand les autres eurent entendu ce discours, le dit GUÉRIN lui répliqua de la sorte : Quoi, mon frère, vous changez de sentiments ? Où est votre fermeté et votre constance que vous aviez fait paraître jusqu'à présent ? Voulez-vous manquer de courage ... Que diront nos frères ... ?

Ces paroles animèrent tellement le courage de cet homme que, tout aussitôt il prit la résolution d'aller avec eux. Ni les remontrances, ni les prières de sa femme et de ses enfants n'y purent plus rien faire."

Extrait du "Manuscrit de l'ORTE, BERTHELOT  le huguenot insaisissable", écrit par Jacques BONNET, neveu de BERTHELOT vers 1720

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